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Nonchalamment elle arrive près de
sa collègue qu'elle surprend légèrement.
Tient, Marguerite, comment ça va ?
Vachement bien, et toi ?
Bof ...
Toujours pas de nouvelles de ton bébé ?
Non !
Ça fait quand même deux jours qu'on l'a kidnappé et
tu n'as toujours pas de demande de rançon ?
Non, de toute façon je ne sais pas combien il vaut.
Il ne faut pas rester comme ça toute la journée à
ruminer.
Qu'est-ce que tu veux que je fasse d'autre ?
Justement je viens te dire que le patron nous emmène toutes à
une garden-party, ça t'intéresse ?
Roseline sera avec vous ?
Oui, normalement.
C'est une vraie peau de vache celle-là !
Tu exagères quand même.
Je ne pense pas.
En tous les cas, il y aura Roger là-bas, tu sais le mec super musclé
à la peau tannée qui est hyper sympa. Il sera avec un de
ses copains du sud, un fonceur, un mec un peu olé, olé,
il paraît. Il y aura aussi celui qu'on appelle Joly Jumper un véritable
bout en train celui-là. On va se faire de vraies portions de rigolade.
Tu viens avec nous, alors ?
Je vais te dlire : les ballades en troupeau, j'ai horreur de ça
et les mecs c'est complètement fini pour moi ! Quand tu as des
enfants avec eux ils ne s'en occupent jamais et s'il y a le moindre problème
tu as des cornes grosses comme ça tellement t'es cocue. Je préfère
et de loin, la fécondation artificielle. Comme ça les choses
sont claires.
Je ne te trouve pas tendre.
C'est que je commence à être une dure à cuire !
Tu viens ou pas ?
Non, en plus je donne mon lait, alors je n'ai pas le temps.
Je ne suis pas curieuse mais tu fais ça par nécessité
ou par dépit ?
Il faut bien gagner son beefsteack ou au moins ne pas le perdre.
Tu m'émeus.
Je t'en prie ! ... et ne me regarde pas comme ça avec tes grands
yeux et ton air bovin que tu as depuis ta plus tendre enfance !
Vexée, Marguerite fait demi-tour sur ses pattes arrières,
frotte ses cornes sur une branche basse et part brouter plus loin les
touffes d'herbes éparses, toujours nonchalamment.
AUVRAYG
illustration de Antonio Garcia |